Tribune : "Je ne me sens pas artiste"

  
 

 

 

Je n'ai pas assez vécu, et pas assez lu pour argumenter sur ce qu'est l'art ou non. Il me semble pourtant qu'au-delà de tout aspect technique, l'art se doit d'être revendiqué et revendicatif. Qu'au-delà du beau et de l'esthétisme réside encore le message et que la première lecture n'est jamais la dernière.

 

Partant de ce postulat : non, je ne me sens pas "artiste", et j'ai énormément de mal à accepter que l'on m'appelle ainsi. Je ne crée pas pour évoquer, ou susciter ma façon d'être, de penser, ou pour véhiculer mes idées. Je crée parce qu'on me l'a demandé. Commandé.

 

Bien entendu, je ne suis pas non plus qu'un simple prestataire. La création se fait en collaboration avec le client, après un échange et une rencontre. C'est même souvent un mélange détonnant de spirituel, de savoir, et de ressenti. Un vrai échange d'humain à humain. Ensuite, une démarche technique donne naissance à un dessin, à une œuvre artistique. L'œuvre est porteuse du message du client et du talent du tatoueur – comme un luthier crée l'instrument. Comme l'ébéniste crée le meuble. Tout comme ces professions, tatoueur est un métier d'art avec ces techniques diverses, son matériel, ses codes. Cela fait donc de moi (bien modestement) le détenteur d'un savoir-faire. Je suis, à ce titre, il me semble, un artisan.

 

Et j'aimerais être reconnu comme tel.

 

Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'artiste dans ce métier, au contraire ! Beaucoup d'entre nous le sont à plein d'égards. Mais la majorité, non. On n'est pas artiste quand on fait à longueur de journée des signes de l’infini ou des dreamcatchers, aussi jolis soient-ils.

 

Je dis simplement qu'avant de nous reconnaître créateurs artistiques, faisons reconnaître la profession comme ce qu'elle est vraiment : un métier d'art bien avant d'être un art. Alors oui pour moi, ça passe par un diplôme d'état, par une reconnaissance.

 

Ensuite, voyons s'il y a performances, actes, et messages. Si le corps est la toile, ou l'œuvre etc. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs.

 

Bref, je ne m'épanche pas sur le sujet (et il y a encore à dire) mais je soutiens la démarche de Tatouage et Partage.

 

Gregory Belkadi, tatoueur à Bourges et membre de Tatouage & Partage

 

En 2014, Bop John, père et collaborateur de Gregory Belkadi, s’exprimait sur le métier. Découvrez ou redécouvrez son témoignage :

Tatoueurs, ma parole : Bop John