Sexisme, clandestinité : la face cachée du tatouage

  
 

 

Avec près de 2 Français sur 10 tatoués, le tatouage ne s’est jamais aussi bien porté. Du moins, en apparence. Car alors que s’apprête à être donné le coup d’envoi du Mondial du Tatouage 2019, les polémiques se multiplient dans l’univers jadis marginal de l’encrage. Le duo de tête ? Un sexisme de moins en moins tu, et un métier qui n’a toujours pas la moindre existence officielle.

 

En 2018, l’Ifop publiait pour La Croix une nouvelle enquête sur la pratique du tatouage en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. 18 % des Français déclaraient porter au moins un tattoo – une part inconcevable il y a encore quelques décennies. Cause ou conséquence : les tatoueurs se sont multipliés sur le sol national. Alors qu’il n’y avait qu’une vingtaine de studios de tatouage dans l’Hexagone dans les années 1980, le pays compte aujourd’hui entre 3 500 et 4 000 shops exécutant approximativement 15 000 tattoos quotidiens.

 

Pour autant, loin des fantasmes, du glamour et du gentiment sulfureux ancrés dans l’imaginaire collectif, le tattoo dévoile mois après mois au grand public un autre visage. Et celui-là est peu reluisant.

 

La première polémique s’inscrit directement dans le mouvement #MeToo. Pour Cheek Magazine, l’état des lieux tient en quelques mots : le milieu du tatouage a aussi son lot de porcs. En effet, les langues se délient pour dénoncer sexisme ambiant, abus fréquents, voire attouchements et agressions sexuelles, comme en témoigne le compte Instagram Paye ton tattoo artist et ses quelques 8 600 abonné·e·s gagné·e·s en moins d’un mois. Les victimes de cette culture machiste sont les femmes tatoueuses autant que les clientes elles-mêmes.

 

La seconde pomme de discorde est l’ahurissante inexistence d’un statut officiel pour les tatoueurs professionnels de France. Malgré l’explosion de leur nombre, ces prestataires manquent toujours d'un socle commun reconnaissant le tattoo comme un métier à part entière. L'INSEE les a affublés du matricule 9609Z, code les rangeant dans la même catégorie que les toiletteurs de chiens, les agences matrimoniales et les tarologues – entre autres. Un non-sens pour toute une profession qui souffre d'un manque de reconnaissance et qui craint pour son devenir. En effet, qui dit manque de statut officiel dit impossibilité de former officiellement des apprentis, impossibilité de reconnaitre la participation du conjoint collaborateur (or, nombreux sont les hommes et femmes travaillant aux côtés de leur époux ou épouse au sein d'un même studio) et impossibilité de bénéficier d'une assurance professionnelle.

 

Cette recrudescence galopante des tatoueurs est rendue possible par un constat enfantin : aujourd’hui, n’importe qui peut devenir tatoueur. Pour cela, il suffit de se soumettre à une formation à l’hygiène de 21 heures – ni plus, ni moins. Les dérives qui en découlent mettent en péril toute la discipline : chaque année, ces milliers de tatoueurs font exploser l’offre et cassent les prix. Et ce, en s’installant en appartement ou en studio privé, à l’abri des instances de régulation, mais également dans des boutiques avec pignon sur rue.

 

Pour remédier à ces préoccupations majeures, l’association Tatouage & Partage se bat pour l’adoption du tout premier code de déontologie du tatouage. Parmi ses propositions : l’ouverture de la première école de tatouage avec formation sanctionnée par un diplôme officiellement reconnu par l’État. Un projet qui, en 2019, divise encore acteurs du tatouage, membres du Syndicat National des Artistes Tatoueurs (SNAT) ou simples adeptes de l’encrage.

 

Au Mondial du Tatouage des 15, 16 et 17 février 2019, ces sujets-là risquent bien de jouer les secrets de polichinelle.