Diplôme de tatoueur : ce que les architectes peuvent nous enseigner

  
 

 

La légitimité d’un diplôme pour les tatoueurs est remise en cause par certaines voix. Pourtant, d’autres organisations semblables à Tatouage & Partage ont, par le passé et pour d’autres corps de métier, connu des débats animés au sujet d’un certificat justifiant du savoir-faire d’un individu. Ce fut le cas, par exemple, dès 1840 dans l’architecture avec un certain… Chaudesaigues – Eusèbe, de son prénom. Récit.

 

Eusèbe Chaudesaigues, acteur de l’architecture française du 19ème siècle

Stéphane Chaudesaigues entame des recherches généalogiques bien avant les débats opposant les partisans d’un statut d’artisan pour tous les tatoueurs aux disciples d’un statut d’artiste pour ces mêmes professionnels. Le fondateur et président de Tatouage & Partage découvre rapidement l’existence d’Eusèbe Chaudesaigues, un aïeul pleinement ancré dans le 19ème siècle. Né à Paris en 1809, il s’éteindra en 1868. Entre temps, il aura consacré sa vie non pas au tattoo, comme son descendant, mais à l’architecture.

 

 

Eusèbe Chaudesaigues dans l’ouvrage Les architectes élèves de l'Ecole des beaux-arts, 1793-1907

 

Le prix Chaudesaigues pour encourager financièrement les jeunes architectes

Après des études à l’École des Beaux-Arts entamées en 1827, Eusèbe Joseph Adolphe Chaudesaigues s’illustre comme architecte voyer de la ville de Paris de 1845 à 1868. Ses faits d’armes ? Il fonde le prix Chaudesaigues, qui permet aux lauréats d’aller étudier 2 ans en Italie grâce à l’obtention d’une bourse. Une initiative qui lui vaudra d’être fait Chevalier de la Légion d’honneur, et qui inspirera à Stéphane Chaudesaigues la création du Chaudesaigues Award pour récompenser des tatoueurs pour l’ensemble de leur carrière.

 

La Société centrale des architectes français et la question cruciale du diplôme d’architecte

Mais là où le passé fait raisonner son écho jusqu’au présent, c’est qu’Eusèbe Chaudesaigues était un membre actif de la Société centrale des architectes français. Cette association, dont l’héritière directe est la très réputée et respectée Académie d’architecture, fut fondée en 1840 (3 ans avant qu’Eusèbe Chaudesaigues n’en rejoigne les rangs). Voici la définition qu’en donne le site officiel du CTHS, le Comité des travaux historiques et scientifiques :

 

La Société centrale des architectes français (SCA) a été créée […] à l’initiative d’un groupe d’architectes. Sa vocation était avant tout professionnelle, puisqu’il s’agissait de constituer un lieu de rencontre et de débats sur les questions relatives à la profession d’architecte, pour en défendre les droits et l’exercice. La question d’un diplôme fut par exemple au cœur des premières préoccupations de la Société.

 

 

Diplôme : le troublant parallèle entre architecture et tattoo

Plus d’un siècle et demi avant la fondation de Tatouage & Partage, un parallèle particulièrement à propos peut être dressé entre les actions de notre association et celle de la Société centrale des architectes français. Plus de 170 ans avant les tatoueurs, les architectes soulignaient déjà la pertinence d’un diplôme pour les professionnels de France. Plus de 170 ans avant les tatoueurs, les architectes mettaient déjà en lumière la nécessité d’un certificat pour exercer légitimement sur le sol français et, ainsi, réguler la prolifération de nouveaux venus pas toujours scrupuleux sur le marché du travail.

 

Les tatoueurs de France sur les pas de leurs aïeux architectes ?

Au final, c’est en 1867 que sera créé le diplôme d’architecte de l’École des Beaux-Arts, et mise en place l’obligation de faire appel à un architecte diplômé pour toute construction. Et si, alors que le pays vibrait encore aux soubresauts du Second Empire, les architectes d’antan avaient inconsciemment montré la voie aux tatoueurs d’aujourd’hui ?