Après les encres de tatouage, les aiguilles sur la sellette

  
 

Une récente dépêche AFP est venue jeter un nouveau voile sur le tattoo : une équipe internationale de chercheurs avance que les particules de métal des aiguilles de tatouage pourraient provoquer d’inquiétantes allergies. Le jour-même, le dermatologue Nicolas Kluger revenait sur l’annonce.


 

Une étude mise en ligne le 27 aout 2019

L’étude qui a mis le feu aux poudres, c’est celle-ci : "Distribution of nickel and chromium containing particles from tattoo needle wear in humans and its possible impact on allergic reactions". Publiée le 27 aout 2019 dans la revue spécialisée Particle and Fiber Toxicology et consultable gratuitement en ligne (en anglais), elle a ceci de particulier qu’elle s’attaque non pas aux encres, cibles chéries des chercheurs s’intéressant au tattoo, mais aux aiguilles des dermographes.


 

Haro sur le nickel et le chrome

L’équipe internationale de chercheurs derrière l’étude s’interroge sur le potentiel allergisant de ces aiguilles. "Les particules de chrome et de nickel provenant de l’abrasion d’aiguilles de tatouage migrent vers les ganglions lymphatiques", prévient-elle. Le nickel et le chrome de ces aiguilles peuvent provoquer des réactions d’hypersensibilité et "peuvent donc jouer un rôle dans les allergies au tatouage".

 


 

Le phénomène est purement mécanique, toujours selon l’étude, et n’a rien à voir avec un éventuel manque d’hygiène. L’étude montre que ledit phénomène peut survenir "lorsque l’encre de tatouage contient du dioxyde de titane (présent dans les couleurs vives des tatouages comme le vert, le bleu ou le rouge)", mais pas "avec l’encre noire de carbone".


 

Ce que le docteur Nicolas Kluger pense de l’étude

Face à ce nouvel avertissement, Le Figaro a interrogé le docteur Nicolas Kluger. Le dermatologue et responsable de la consultation tatouage à l’hôpital Bichat de Paris a confié au journal ses profondes réserves quant à la méthode de l’étude :


 

C’est une étude qui peut être utile les chercheurs, mais c’est tout. […] La méthodologie est très mauvaise car on mélange trois choses qui n’ont rien à voir : l’analyse au synchrotron des peaux tatouées et des ganglions de cinq donneurs décédés dont on ignore tout, puisqu’on ne sait même pas s’ils étaient allergiques de leur vivant ; des tatouages sur des peaux de cochon morts ; et le cas d’une personne tatouée qui a fait une réaction allergique.


 

Des "effets à long terme" impossibles à évaluer pour le moment

Au-delà d’un éventuel relargage de nanoparticules de nickel ou de chrome par les aiguilles, il est avéré depuis plusieurs années que nombre d’encres, en particulier colorées, en contiennent. "L’allergie au nickel est un vieux problème mais les encres professionnelles qui respectent la norme européenne n’en contiennent pas", rappelle Nicolas Kluger. "Si on voulait vraiment pousser, on pourrait étudier les appareils de tatouage, mais encore une fois, les quantités n’ont rien à voir avec d’autres sources d’exposition". Un constat que semble partager Ines Schreiver, à la tête de l’étude, qui déplore aussi que "l’impact exact sur la santé" des tattoos ne puisse être dûment mesuré. "Ce sont des effets à long terme qui ne peuvent être évalués que par des études épidémiologiques qui surveillent la santé de milliers de personnes sur des décennies".