Tatouage : ce qu’il faut savoir sur l’inexécution d’un contrat

  
 

Tatoueuses, tatoueurs,

 

À l'occasion de mes précédents articles, j'ai pu vous expliquer que le fait de vous accorder avec un client pour réaliser un tatouage à un certain prix était, juridiquement parlant, un contrat (même s'il n'y a pas de document signé, qui n'est qu'un moyen de preuve).

 

Il découle de cela, tant pour vous que pour votre client, des droits et des obligations réciproques, à savoir notamment le droit d'obtenir que l'autre respecte ses engagements, et l’obligation de respecter les vôtres. Mais que faire lorsque l'un des deux ne veut ou ne peut pas exécuter le contrat ?

 

Je vous renvoie d’ores et déjà à la lecture de mon article sur les arrhes et les acomptes. Je reprendrai quelques éléments ici, mais sans les détailler : « Réservation d’une date : arrhes ou acompte ? »

 

Le non respect de ses obligations par le client

 

Classiquement, l'obligation principale de votre client est de vous payer pour votre travail. De manière accessoire, il doit aussi venir aux rendez-vous fixés, sans quoi vous ne pourrez pas effectuer le tatouage !

 

Si un client ne vous paye pas, alors que vous avez réalisé tout ou partie du tatouage, vous pouvez le poursuivre en justice devant le tribunal d'instance territorialement compétent pour inexécution contractuelle. Si la somme dépasse les 10.000€, il faudra passer par le tribunal de grande instance. Mais vous êtes alors un(e) tatoueur(euse) particulièrement cher(e) ! Précisons que vous pouvez obtenir du tribunal qu'il prononce une injonction de payer (procédure gratuite), ou faire directement appel à un huissier pour qu'il recouvre la créance. Il s'agit là d'une procédure amiable.

 

Si le tatouage n'est pas terminé, et que votre client ne vous a pas payé la séance précédente, vous pouvez vous-même refuser de continuer d'exécuter votre part du contrat, jusqu'à ce que le client finisse par vous payer. Il ne pourra dans ce cas précis vous reprocher de refuser de le tatouer !

 

Si un client ne vient pas ou ne vient plus aux séances, quoiqu'il arrive, vous ne pouvez pas l'y obliger. Cela constituerait une atteinte disproportionnée à l'intégrité du corps humain ! En revanche :

 

  • Vous pouvez conserver les éventuelles arrhes versées ;
  • Si aucune arrhe n'a été versée ou si l'acompte versé ne suffit pas à couvrir votre préjudice (notamment le temps perdu) vous pouvez demander au juge des dommages et intérêts.

 

 

Précision : les arrhes sont demandées au début du contrat et donnent la possibilité au client de se désengager avant son exécution. Il en découle qu’il ne peut plus revenir sur son choix une fois la première séance effectuée (le contrat a commencé à être exécuté), et vous ne pouvez pas demander des arrhes pour chaque séance d’un même tatouage (il s’agit d’un seul et même contrat exécuté en plusieurs fois, ce qui serait différent s’il s’agissait de plusieurs tatouages). Nous avions vu le même mécanisme s’agissant du payement en liquide (voir l’article sur les règles en matière de payement).

 

Le non respect de ses obligations par le tatoueur

 

De son côté, le tatoueur doit réaliser le tatouage du client. Il doit aussi le réaliser correctement.

 

Si vous refusez de commencer à tatouer un client alors qu’un contrat a été conclu, alors il ne pourra pas vous forcer à le tatouer. Lorsqu’il s’agit d’effectuer une tâche aussi personnelle que celle de tatouer ou de peindre par exemple, la justice n’oblige pas le professionnel à exécuter sa prestation. En revanche, il peut le condamner à verser des dommages et intérêts au client pour réparer son préjudice, ce qui s’évaluera par exemple avec les jours de congés posés, etc.

 

Là aussi, le tatoueur comme le client, s’il a été versé des arrhes, pourra user d’une faculté de se dédire pour mettre fin au contrat avant qu’il soit exécuté (ce n’est pas possible avec un acompte !). Il vous faudra alors rembourser les arrhes, et donner la même somme au client.

 

En revanche, si le contrat a déjà commencé à être exécuté, c'est-à-dire que vous avez commencé à tatouer, arrhes ou non, vous ne pourrez plus revenir en arrière. Et si vous refuser de continuer le tatouage, cela pourra vous couter très cher : certes, on ne vous forcera pas à continuer le tatouage, mais le préjudice du client à réparer sera beaucoup plus important (il a un tatouage non terminé je vous rappelle !).

 

Enfin, si vous réalisez mal le tatouage, là aussi, vous pourrez avoir à dédommager le client à hauteur de son préjudice. Cela pourra résulter du non respect des règles d’hygiène et de sécurité, il faudra alors réparer les dommages corporels ainsi que leurs conséquences (perte de salaire si congé maladie, etc).

 

Si vous ratez le tatouage, ou que le client arrive à prouver que vous avez réalisé un tatouage différent de ce qui était convenu, alors il pourra obtenir là aussi des dommages et intérêts. Cependant, dans ce dernier cas, il risque de lui être difficile d’apporter une telle preuve. A moins que le tatouage ne ressemble pas du tout au dessin que vous lui avez montré juste avant de le piquer, si le tatouage correspond à votre style et à ce qui vous a été demandé, alors le client ne pourra rien prouver…

 

Pour résumer…

 

Un juge n’obligera jamais un client à se faire tatouer ni un tatoueur à tatouer. Jamais. Mais il pourra cependant les condamner à dédommager l’autre de son préjudice. En règle générale, s’il ne s’agit que d’une annulation de rendez-vous, les condamnations seront symboliques. Mais si vous causez un dommage corporel ou que vous ratez lamentablement un tatouage, ça peut, dans certains cas, vous couter très cher…

 

Benoît Le Dévédec

benoit.ledevedec@tatouage-partage.com