En tattoo, la déontologie, c’est aussi pour les apprenti(e)s

  
 

 

Co-fondateur de la page Déontologie du Tatouage, le tatoueur Gomette a récemment mis en ligne un long post pour raconter sa mauvaise expérience avec une apprentie, et rappeler qu’en tattoo, l’éthique doit aussi s’appliquer aux novices.

 

L’association Tatouage & Partage vous propose la lecture de cette publication dans son intégralité – et vous invite à la partager si vous vous y reconnaissez.

 

La tribune du tatoueur Gomette dans son intégralité

 

« Si vous ouvrez votre dictionnaire à l’entrée "déontologie", vous y découvrirez son étymologie grecque : "ce qu’il faut faire". Aujourd’hui, le nom désigne "l’ensemble des règles et des devoirs qui régissent une profession, la conduite de ceux qui l'exercent, les rapports entre ceux-ci et leurs clients et le public".

 

Longtemps réservé aux avocats, professionnels de santé ou encore agents de la fonction publique, le terme s’est invité depuis plusieurs années dans un secteur qui a connu une récente explosion de popularité : le tattoo. Avec quelques confrères, j’ai moi-même contribué à la création de la page Déontologie du Tatouage en 2019, pour dessiner les contours des règles qui devraient régir notre activité.

 

Mais aujourd’hui, c’est à un constat bien amer que je fais face : si la déontologie doit s’appliquer aux tatoueuses et tatoueurs professionnel(le)s, elle doit également concerner les apprenti(e)s. Cette observation, je la tire de mon expérience propre.

 

A. : l’histoire de mon apprentie tatoueuse

 

Il y a trois ans, j’ai décidé d’accueillir une jeune apprentie dans mon studio de tatouage d’Aubigny-sur-Nère, dans le Cher. Pour les besoins de ce texte, j’appellerais sobrement cette femme "A."

 

Comme beaucoup, A. aspirait à devenir tatoueuse. Et comme beaucoup, elle s’est heurtée à une offre mal adaptée à de telles aspirations. Comment apprendre un métier qui, aux yeux de l’État, n’existe pas ? Quel parcours entamer, lorsque les seules écoles existantes sont privées – et donc, payantes à prix d’or ? Au 21ème siècle, la seule solution pour réaliser ces ambitions demeure l’apprentissage auprès d’un(e) tatoueur(se) déjà établi(e).

 

C’est dans cette perspective que j’ai accueilli A. C’est dans cette même perspective que, trois années durant, j’ai enseigné mon métier à A. Et aujourd’hui, je peine à trouver les mots justes pour exprimer ma déception.

 

Motivée tout au long de son apprentissage, disposée à apprendre et à servir le studio autant que ses intérêts, A. a montré il y a plusieurs mois de premiers signes de relâche. Prises de libertés dans son emploi du temps, manque volontaire de concertation envers moi-même : les manifestations de laisser-aller se sont multipliées.

 

A. et moi-même avons adressé ce sujet. Je lui ai fait part de mon profond mécontentement, je lui ai rappelé que son statut d’auto-entrepreneuse ne l’exonérait pas de ses responsabilités envers son tuteur. En sa qualité d’apprentie, A. était aussi une prestataire de services : après avoir appris le tattoo, A. a tatoué client(e)s après client(e)s, sous la protection de mon studio.

 

Sa justification ? Elle m’a opposé avoir, je cite, "gagné en maturité"… Ce à quoi j’ai répondu que tout ce qu’elle avait gagné, c’était un égo sans doute un poil démesuré.

 

Quelques heures ont suffi à ce qu’à la suite de cet échange, A. prenne sa décision : du jour au lendemain, elle a quitté le studio, m’invitant simplement à tatouer moi-même les client(e)s qui avaient réservé auprès d’elle pour les prochaines semaines, et basta. Trois années de relation, de confiance, de transmission, envolées en un claquement de porte.

 

L’histoire aurait pu s’arrêter sur cette note acerbe. Mais elle continue, et pour le pire.

 

La face cachée d’A.

 

Quelques heures (!) après son départ précipité, j’ai appris par des proches qu’A. s’adonnait à un funeste jeu : la sollicitation par messages privés des client(e)s du studio. Je détiens la preuve qu’elle avait ménagé une pièce pour tatouer à son domicile, pour des prestations au noir. Je sais aussi qu’elle ambitionnait d’encrer dans une boutique à quelques pas seulement de mon shop : une modeste onglerie, où la pratique du tattoo est naturellement interdite.

 

Vol de mon listing clients, scratching : qui dit mieux ?

 

Depuis, j’ai confronté A. à ces allégations. Je les sais avérées. Les prochaines semaines nous diront quelles suites donner à ces agissements.

 

En tatouage, l’éthique, c’est pour toutes et tous

 

Si j’ai souhaité partager cette histoire, c’est pour appeler à un sursaut déontologique chez les apprenti(e)s. À titre personnel, j’essaie d’appliquer à moi-même l’éthique que je prône : paiements en carte bleue, aucun cassage de prix, et respect de mes collaborateur(rice)s autant que de mes client(e)s.

 

J’ai lu et entendu trop de témoignages d’aspirant(e)s tatoueur(se)s se plaignant que les professionnel(le)s d’aujourd’hui rechignent de plus à plus à former les jeunes espoirs. Il est temps que cette minorité de fauteurs de troubles, dont A. n’est qu’une énième illustration, cesse de gangrener l’image que l’on se fait des autres. »