Tribune : oui à un dialogue constructif sur la formation des tatoueurs

  
 

L'idée d'un C.A.P tatouage peut en rebuter plus d'un, et cela peut se comprendre. Je retiendrai pour ma part le fait que Madame la ministre Najat Vallaud-Belkacem veuille s'intéresser de plus près à notre activité commune est un gage d'une avancée, même si nos revendications divergent du projet de la ministre.

 

Comme chacun sait, et contrairement à ce qui a été avancé, nous n'avons jamais souhaité un C.A.P tatouage mais un diplôme ou un brevet qui serait remis à la fin de la formation de l'apprenti avec un maître d'art.

 

Je vous livre pêle-mêle mes cogitations dominicales.

 

Il faut bien se mettre en tête que si nous ne proposons rien aux personnes qui nous gouvernent, elles vont décider pour nous de notre avenir. Et plutôt que de voir des projets qui n'ont ni queue ni tête nous tomber dessus, nous devons les interpeller sur nos motivations et nos revendications.

 

Notre intention est d'informer le gouvernement sur notre projet initial qui est l'obtention du statut d'artisan. C'est ce à quoi l'association Tatouage et Partage représentée par Stéphane Chaudesaigues se bat depuis quelques années.

 

Même si je ne défends pas  le C.A.P,  j'ai pu lire quelques commentaires sur le fait que celui-ci froissait des personnes qui pensent qu'il est le gage de gens peu instruits. C'est faire montre d'une condescendance envers une certaine classe de gens qui représente des milliers d'individus. Un point de vue que je ne partage pas. Qui sommes-nous pour juger les détenteurs de C.A.P, pour dire qu'ils sont intellectuellement moins développés que le reste de la population ? Des chercheurs, des savants, des ingénieurs, des gens qui sauvent des vies ? Non, nous sommes tout simplement des tatoueurs.

 

J'ai pu lire un autre argument qui m'a interpellé concernant le fait qu'un parcours scolaire officiel menant au C.A.P formaterait les futurs tatoueurs en quelque chose qui s'apparenterait au cerveau d'un bulot.

 

C'est faire preuve encore d'un mépris pour l'esprit en général, pour l'apprenti et le maître en particulier. Pour ma part, j'aime à penser qu'un maître d'art inviterait son apprenti à être inventif, créatif, à oser franchir ses limites, à le pousser dans ses retranchements comme c'était le cas dans les ateliers artisanaux italiens du XVIème siècle.

 

Et que dire sur la prolifération des salons de tatouage ?

 

Plus de  10 000 tatouages sont réalisés chaque jour dans, à peu près ou peu s'en faut, 5 000 boutiques en France.

 

J'ai lu que le fait d'obtenir un diplôme en suivant une formation encadrée ferait croître le nombre de salons de tatouage. J'aimerais qu'on m'explique par quel miracle on arrive à ce résultat en sachant que pour le moment, il ne faut absolument rien pour ouvrir une boutique.

 

Il faut indéniablement réguler la croissance des ouvertures de studios. Ce n'est certes pas avec le statut actuel que nous arriverons à atteindre ce but vu que nous n'avons pas officiellement de statut. Ce n'est pas non plus avec une simple formation à l'hygiène que nous y arriverons mais bien en créant une formation sérieuse et aboutie.

 

Nous ne voulons pas non plus d’écoles privées pour le tatouage.  Ce que nous proposons dans le cadre d'un apprentissage afin de devenir artisan, c'est que l'apprenti intègre une école tout ce qu'il y a de normale et déjà en place. Il n'est pas dans les projets de Tatouage et Partage de créer des écoles à pomper le fric des malchanceux qui auraient la déveine de s'inscrire dans ces pièges à loup. Malheureusement, il en existe déjà.

 

En résumé, nous devrions sauter sur l'occasion et saluer l'intérêt des autorités pour notre activité et leur proposer notre projet plutôt que de se braquer contre elles. Leur dire que nous souhaitons obtenir le statut d'artisan, que l'apprenti serait sous l'égide d'un maître d'art,  qu'il obtiendrait à la fin de son cursus un diplôme, un brevet ou un certificat attestant d'une formation incluant des disciplines telles que la photographie, l'histoire de l'art, l'utilisation des logiciels, la dermatologie, la comptabilité etc.

 

Même quand des centaines de milliers de personnes décident d'aller gueuler dans les rues pour obtenir des avantages, le gouvernement ne cède pas. Je ne dis pas qu'il faille baisser son froc  mais ce n'est pas une poignée de tatoueurs qui fera plier les instances supérieures si elles ont décidé de notre sort.

 

En définitif, ce sont elles qui décideront de quoi sera fait demain. Donc faisons tout pour instaurer un dialogue constructif pour notre intérêt commun.

 

Kalil Moktar, secrétaire et porte-parole de Tatouage & Partage